CHARLES ET LES AUTRES

Ardennes belges, été 2016 : une ferme le long de la route à Plein Vent. Une image : un paysan, appuyé contre la porte métallique de son étable, guettant le passage lent et trop rare de quelques véhicules.

Je ressens l'urgence de photographier ce vieux fermier. Je découvre alors un univers inconnu. Je m'y faufile à travers les récits de Charles, au rythme de ses expériences et à la lueur de sa passion pour les bêtes. Son quotidien solitaire est calqué sur le rythme de ses animaux.

Ce fermier-là fait corps avec la nature, il est attentif à chaque bruissement, chaque mouvement.

Je tente de capter des instants de cette vie à la ferme, dans les champs mais aussi dans l'intimité d'une cuisine, dans le reflet d'un miroir. Les rituels se répètent au fil des jours, des semaines, des années. Le temps est ce guide qui m'aide à saisir les lieux d'ombres et de lumières. Mais il y a aussi les odeurs, la présence animale, les peaux, les silences, les gestes, les attitudes, les regards et les mains.

Au fil des ans, j'élargis cet univers à d'autres fermes, d'autres lieux, d'autres solitudes.

Suzanne, dans sa cuisine au carrelage d'avant-guerre. Michel, devant ses dessins de scènes de chasse. Basile, près du portrait de son père, premier fermier d'une génération de quatre. Et puis les autres... Ceux qui vivent dans un autre temps, un temps qui me touche car il me semble plus apaisant, plus sincère et peut-être qu'il n'existe plus.

Avec ces photographies, j'aimerais rendre un hommage à tous ceux qui ont choisi pour vivre un univers en marge et ne le quittent jamais.